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338 ans d'excellence. Combien en reste-t-il ?

11/12/2018

Publié par jérémie picart

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© © Kozoom

C’est un vieil ami précieux du billard : le fabricant de draps Iwan Simonis (depuis 1680). Le sport doit beaucoup à cette entreprise distinguée tout comme Simonis doit beaucoup à notre sport.

 

Tout coule, il y a toujours du changement : « Panta rhei », même dans le monde du billard. Comme Simonis, vous pouvez être si fermement enraciné dans l’histoire et vous demander soudainement à quoi ressemblera votre avenir.

 

Il y a quelques années, l’entrepreneur grec Pavlos Zachariadis a eu une idée et le courage d’investir de l’argent dans un drap synthétique. Il l’a appelé « Royal Pro » et a commencé à le vendre partout en Europe, en Asie et en Amérique du Nord et du Sud. La qualité du produit n’a cessé de s’améliorer : la deuxième génération était meilleure que la première, la sixième actuelle est meilleure que la cinquième.

 

Les principales caractéristiques du tissu synthétique : il est meilleur marché, plus durable, roule plus rapidement, n’absorbe pas l’humidité ce qui permet de réaliser des économies substantielles. Il fait essentiellement tout ce que les tissus à base de laine font et à un coût de maintenance inférieur. En revanche, ce n’est pas aussi joli. L’usure est plus visible, le Royal Pro a tendance à paraître plus vieux qu’il ne l’est réellement.

 

Lorsque la première génération de Royal Pro est sortie, de nombreux joueurs ont haussé les sourcils. Maintenant, quelques années plus tard, les caractéristiques de jeu sont plutôt évidentes pour tout le monde. Tous les meilleurs joueurs l’ont expérimenté et ont produit de superbes moyennes. J’ai fait quelques recherches en comparant dix tournois Grand Prix aux Pays-Bas, cinq sur Royal Pro et cinq sur Simonis avec un nombre de joueurs presque identique. Les moyennes des tournois Royal Pro sont supérieures de 1,5 % aux moyennes des tournois sur Simonis pour le Top 32 des joueurs. Ce n’est pas une preuve scientifique, d’autres facteurs ont aussi peut-être joué un rôle. Une salle à tendance à produire parfois de meilleurs résultats qu’une autre. Néanmoins une différence positive de 1,5 % doit être une indication forte que le tissu synthétique est au moins aussi bon que de la laine.

 

Iwan Simonis est une grande entreprise qui sponsorise également le billard. Ils ne sont en aucun cas le « méchant » dans cette histoire : Simonis a toujours aidé notre sport. Ils ont eu un semi-monopole pendant des décennies et (qui pouvait les blâmer ?) ont essayé de protéger leur marché en signant des contrats avec les fédérations nationales. Je ne suis pas au courant de la teneur de ces contrats avec chaque fédération européenne mais je sais comment cela fonctionne dans certains pays. Simonis soutient financièrement une fédération nationale moyennant une somme d’argent X. En retour, cette fédération garantit que tous les championnats nationaux de son pays doivent être disputés sur un drap Simonis. Dans certains pays, cette obligation s’applique aussi pour les championnats par équipe et c’est là que nous arrivons à une distinction majeure.

 

Une fédération nationale peut signer un contrat de ce type. Une fois que les deux parties sont d’accord sur ce contrat, Simonis devrait conserver sa part de marché et ses draps devraient être utilisés lors des championnats concernés, la situation en championnat par équipe étant plus compliquée. Un tiers, le propriétaire de la salle, entre dans l’équation et se retrouve mêlé à des obligations qu’il n’a pas souscrites. Une fédération et une manufacture de draps ont signé un contrat et le propriétaire de la salle paye une partie de l’argent nécessaire à son bon fonctionnement. Cela ne semble pas juste et ce n’est pas le cas. Si vous êtes un propriétaire de salle, vous aurez toujours un regard critique sur vos dépenses annuelles (il est déjà assez difficile de rentabiliser une salle). Donc, économiser de l’argent sur votre facture d’électricité et sur vos éventuels nouveaux draps synthétiques, cela a du sens. Inévitablement, passer de Simonis à Royal Pro serait conflictuel avec le marché conclu par sa fédération nationale comme cela est récemment arrivé en Belgique.

 

Les fédérations diront : « Nous avons le devoir de nous assurer que les championnats nationaux (et dans certains pays les matchs par équipe) se joueront avec du matériel de billard de qualité approuvée et nous sommes les seuls à pouvoir donner cette approbation ». Et ils rendent obligatoire l’utilisation des billes de marque X et des draps de marque Y. Pas de surprise, ce sont les marques par lesquelles la fédération reçoit de l’argent de sponsoring. Approuver des produits pour garantir la qualité, ça va. Mais refuser d’autres produits pour protéger des contrats de sponsoring n’est pas acceptable. Le marché du billard, comme le jeu, devrait avoir des conditions égales pour tous.

 

Les avocats, éventuellement au niveau européen, devront décider si ces contrats entre Simonis et les fédérations nationales ne sont pas en conflit avec les lois antitrust et anti-monopole qui s’appliquent dans tous les pays de l’Union Européenne. Mais bien avant que les généraux n’aient terminé, les fantassins auront décidé du résultat de cette bataille. Un produit moins cher, aussi bon qu’un produit plus cher, se retrouvera sur le marché. Vous ne pouvez pas arrêter cela avec des contrats et des règlements. En fin de compte, la fédération a davantage besoin des propriétaires de salle que les propriétaires de salle n’ont besoin des fédérations.

 

Le tissu synthétique est là pour rester, c’est une certitude. Personnellement, je serais surpris qu’un drap en laine soit encore fabriqué dans vingt ans. Simonis, notre valeureux et ancien partenaire et ami du billard, doit changer, s’adapter, montrer de la flexibilité, se réinventer en utilisant sa notoriété et son image d’extrême qualité ainsi que son vaste réseau de distribution. Ils ne souhaitent certainement suivre le chemin de TDK jadis puissant leader du marché des cassettes. Les fédérations devront également se réveiller et sentir le café. Imposer des sanctions des équipes ou à des locaux n’est pas la solution au problème; c’est futile, contre-productif et signale un désir de vivre dans le passé. Ce dont nous avons le plus besoin en ce moment, de la part des PDG de l’industrie du billard et de nos fédérations nationales, est un leadership tourné vers l’avenir.

 

 

(Article de Bert van Manen traduit de sa version en langue anglaise)

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