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C'est mieux qu'un 9h/17h, non ?

04/09/2018

Publié par jérémie picart

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© © Kozoom

Nous avons déjà longuement évoqué sur ces pages de ce qu’il fallait techniquement pour être un joueur de 3 Bandes de classe mondiale. Une position solide et stable, un coup de queue qui peut aller du délicat travail d’un chirurgien du cerveau au marteau d’un Viking, un contrôle de la vitesse parfait, des nerfs en acier, un choix des coups à jouer judicieux, une balance intelligente entre l’attaque et la défense et une grande connaissance du jeu de position. En résumé, il vous faut atteindre les 1,600 de moyenne. Si vous y êtes, vous pouvez dire que vous êtes un grand joueur. Si vous atteignez 1,800, vous faites partie du gratin mondial.

 

La période actuelle est le bon moment pour devenir un grand joueur. Nous avons tous vu Merckx s’approprier un gros chèque à Seoul et Caudron un plus important encore à New-York. Ce n’est pas le tennis ou le golf mais les joueurs peuvent faire de l’argent quand même. Si vous êtes jeune, talentueux, ambitieux et prétendant à ces 1,600 dans les prochaines années, y a-t-il un avenir doré à l’horizon pour vous ? Peut-être. Attention cependant : il y aura plus à conquérir que le simple jeu. Vous devrez aussi professionnaliser votre activité.

 

Si vous aimez les animaux, je suppose qu’il n’y a pas de métiers plus nobles et gratifiants que vétérinaire. Mais cela implique également de plonger parfois votre bras dans le cul des vaches. Il y a un mauvais côté à chaque job et être un professionnel du billard n’échappe pas à la règle. Je vais citer quelques aspects du métier juste pour vous en donner une idée.

 

Voyages. Si vous avez déjà voyagé d’Europe vers l’Asie ou même des USA vers l’Europe, vous savez que 8 heures de vol assis dans un avion peut être long. Préparez-vous à passer plus de 100 heures par an dans ce fauteuil.

 

Décalega horaire. Certains y sont plus sensibles que d’autres et ceux-là bataillent deux ou trois jours parfois pour retrouver leur rythme de sommeil normal après un vol transcontinental. Vous vous trouverez alors parfois à la table somnolent, manquant de repos.

 

Nourriture. Oui, on peut trouver un Mc Donalds dans chaque pays du monde. Mais croyez-moi, vous serez plus heureux (et en meilleure santé) si vous parvenez à apprécier la cuisine coréenne en Corée du Sud, la mexicaine à Mexico… Ne vous attendez pas à ce que votre organisme réagisse et fonctionne comme s’il était à la maison car il ne le fera pas.

 

Langues. Peu importe votre nationalité, vous vous remercierez de connaitre quelques rudiments de langue anglaise. C’est une aide précieuse dans n’importe quel continent du globe. Qu’est-ce que cela vient faire dans la recherche de performances dans les tournois mondiaux ? Demandez aux Coréens, aux Vietnamiens ou même aux Turcs.

 

Formules de jeu. Parfois, on vous demandera de jouer trois matchs dans une même journée. Physiquement, ce n’est pas un challenge démesuré mais mentalement, c’est un défi de taille. A l’inverse, il y aura parfois 6 heures d’attente entre deux parties et l’ennui peut être brutal.

 

(Et à propos, les fans à la maison devant leur télé ou leur ordinateur, n’ont jamais dit : « Son estomac doit être retourné avec cette étrange cuisine locale et il n’a eu que trois heures de sommeil la nuit dernière ». Ce qu’ils disent par contre des milliers de fois, c’est plutôt : « Il joue mal. Même moi, j’aurais fait ce point. »


Billards. Croyez-moi, il n’y a aucune comparaison entre des conditions de jeu en ligue par équipe et en tournoi. Cela peut paraitre bizarre pour un néophyte mais c’est bien la réalité : en ligue, les draps sont usés ce qui raccourci en général les trajectoires et les billes ne sont pas toutes neuves alors qu’en tournoi, tout brille et les draps sont fraîchement posés… ce qui occasionne souvent des moyennes plus élevées en ligue. Les premiers jours de World Cup peuvent être cruels. Et vous, aspirant au statut de professionnel du 3 Bandes, devrez être en mesure de vous adapter à 6 ou 7 marques de billard avec à chacune leurs caractéristiques. Vous avez peut-être 3000 heures de jeu sur Verhoeven ou Gabriels et on vous proposera 5 minutes d’échauffement sur Platin, Carrinho, Min ou Hollywood.

 

Comportement. Vos collègues demanderont de vous que vous vous comportiez de la même manière que la norme des joueurs de 3 Bandes de haut niveau. Ne prenez pas ça à la légère : le standard est très élevé. Si vous faites deux bandes et que l’arbitre vous compte le point, vous ne recevrez pas une médaille si vous retournez sur votre chaise. C’est ce que vous êtes supposé faire, c’est ce que l’on attend de vous. Accepter ce point, c’est faire un pas en avant dans votre match et deux pas en arrière dans votre carrière.

 

Déception. Vous jouerez mal parfois et vous perdrez. Vous jouerez aussi extrêmement bien parfois et vous perdrez. Vous pouvez être le numéro 1 mondial et vous pourrez perdre de temps à autre contre un joueur non tête de série. La déception et la gestion de la déception sont des facteurs clé dans une carrière de joueur de 3 Bandes.

 

Media. Donner une interview juste après une victoire, c’est plutôt sympathique. Mais avec la professionnalisation croissante du 3 Bandes, vous serez amenés à vous exprimer devant un micro tout juste deux minutes après votre défaite. Pourrez-vous dire quelque chose de gentil sur le jeu de votre adversaire et admettre gracieusement votre défaite ? Ou allez-vous vous ridiculiser en parlant de l’erreur d’arbitrage en votre défaveur ?

 

Ce n’est pas un métier facile. Mais c’est quand même mieux que de bosser de 9h à 17h pour un patron grincheux.

 

 

(Article de Bert van Manen traduit de sa version en langue anglaise)

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