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Combien de vies Blomdahl a-t-il vécues ?

11/12/2015

Publié par jérémie picart

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© Bert's Column

La World Cup d’Hurghada se profile mais permettez-moi de revenir une dernière fois sur le championnat du monde de Bordeaux. En termes de moyennes générales, ce n’était pas la meilleure compétition que l’on ait vue. Même la finale n’a pas été extrêmement performante. Par contre, la compétition dans sa globalité et la finale entre Dong Koong Kang et Torbjörn Blomdahl ont été historiques en partie grâce à l’extrême tension qui y régnait ce qui classe déjà ce championnat comme unique en son genre.

Il y a les gens qui se déplacent sur un championnat de 3 Bandes pour apprendre. Mais la plupart y vont pour l’ambiance et pour le divertissement qu’il propose. En ce sens, Blomdahl, Dong Koong Kang et surtout Bordeaux étaient un tremplin idéal pour cela. Que retiendront les spectateurs de ces 5 jours. Principalement, et c’est logique, la série de 6 de Blomdahl sur la reprise égalisatrice de la finale.

Une série de 6 sur le reprise égalisatrice n’est, en soi, pas une performance extraordinaire si vous avez perdu 40 à 22 ou 50 à 29. Pas mal de joueurs ont déjà fait ça. Parmi les reprises égalisatrices les plus prolifiques, Jef Philipoom avait perdu 50 à 31 contre Ceulemans en 1999 et avait fait une série de 18. Caudron a réalisé la même performance face à Merckx en 2006 quand il avait perdu 40 à 21. Luis aussi est parvenu à faire 18 sur la reprise. Le record est détenu par Tasdemir en 2008 contre John Tijssens : défaite 50 à 26 puis série de 21 du Turc.

Faire 6 quand on a besoin de 6 est un peu plus que cela finalement en raison de la pression. 6 n’est pas astronomique en soi, un fort joueur peut facilement se mettre des positions convenables permettant de faire au moins 3 points si son point d’entrée est décemment joué. A Bordeaux, Zanetti a réussi à égaliser sur 7 contre Ma Xuan Cuong et Sanchez sur 8 contre son pote Ruben Legazpi. Jelle Pijl a déjà égalisé sur une série de 13 en 1998 tout comme l’avait fait Francis Forton en 2012. Le record appartient à Dion Nelin qui a égalisé sur une série de 15 en 2015.

Une série de 6 sur la reprise égalisatrice quand vous avez besoin de 6 et en finale du championnat du monde ? Maintenant, on peut parler sérieusement. C’est une épreuve technique et mentale, un aboutissement, quelque chose d’héroïque. Il est difficile d’imaginer situation plus stressante que ces moments là dans une carrière de joueur de haut niveau au 3 Bandes. Un seul coup décide de vous propulser dans les tablettes des records ou de vous plonger dans un relatif anonymat.

Si vous faites le point de façon laborieuse, vous êtes un héros. Si vous touchez bien mais manquez, un millier d’experts sont prêtes à vous décrire comme faible mentalement…

De manière plus précise, tout va mal sous la pression : votre rythme cardiaque s’accélère tout comme votre taux d’adrénaline, vos nerfs sont à vif, votre cerveau est en miettes. Et ne croyez pas que l’expérimenté Suédois en soit exempt. Blomdahl dont la réputation est d’être très serein sur les fins de match a déclaré la chose suivante quelques jours après sa victoire : 

« Je ne me souviens plus très bien. J’étais là sans l’être vraiment. Quelqu’un d’autre que moi jouait ces derniers points et heureusement qu’ils étaient faciles. »

J’avais déjà entendu une description de fin de match dans ce genre. La légende vivante du Snooker Steve Davis expliquait dans un documentaire comment et pourquoi il avait manqué une noire facile en finale du championnat du monde 1985 face à Dennis Taylor « Pendant des heures, j’avais donné tout ce que j’avais et j’étais complètement vidé. J’étais dans le brouillard complet. Tout ce que je pouvais faire c’était de bouger, de prétendre que j’étais un joueur de billard mais je ne l’étais pas. J’étais un zombie, je n’aurais même pas réussi à épeler mon nom. »

Blomdahl n’a certainement pas atteint cet état là puisque Davis a joué une finale de 35 frames sur deux jours mais les nerfs du Suédois ont néanmoins été soumis à rude épreuve. Il a traversé cette compétition de Bordeaux en mode de survie d’abord dans un thriller contre Jae Ho Cho qui aurait peut-être dû gagner. Il a effectué un retour inspiré face à Eddy Merckx quand le Belge menait 29 à 21 (victoire 40 à 35) grâce notamment à trois points signés 100% Blomdahl, les 24ème, 34ème et 36ème. Posez-vous la question de savoir ce que vous auriez joué sur ces points ? Je pense, pas les mêmes que le Suédois.

La victoire contre Merckx (meilleure générale du tournoi avec 1,940) était suivie de la finale contre Kang. Le Coréen était en pleine confiance après sa victoire à la LG + Cup et il n’a pas commis beaucoup d’erreurs à Bordeaux. Il y a juste eu un match serré contre Adnan Yüksel gagné 40 à 37. Dong Koong Kang impressionnait il y a quelques années avec son puissant coup de queue mais c’était alors un diamant à l’état brut. Maintenant, il possède un jeu complet et sa présence à la table est devenue intimidante. En finale, il était le meilleur jusqu’à 37 à 24 en sa faveur.

Nous savons tous comment cela s’est terminé pour lui : il a perdu sur sa chaise. Voilà mon sentiment sur sa défaite :

a) Kang savait bien qu’il ne gagnerait pas avec 1 ou 2 points sur la prolongation et il espérait faire 4 ou 5 points au moins.

b) Il avait une position excellente sur son deuxième point mais il y avait un couloir sur la 3. S’il jouait un coup intermédiaire entre 3 et 4 Bandes, il aurait pu manquer.

c) Il a choisi de jouer en 4 Bandes en espérant caramboler la 3 sur le ½ bille.

Elles sont là les trois raisons de tomber dans le piège. Il vise en pensant « ne prend pas le couloir ». Il l’a certes évité mais c’était la pensée négative la plus importante de sa carrière.

Blomdahl n’a pas joué un point d’entrée exceptionnel mais il a abordé le second point de manière positive. Il a vu la solution petite-grande-grande en coulé, n’a pas perdu de temps et a réussi. Etait-ce une solution semi-artistique pour épater la galerie ? Non bien sûr, c’était de loin la meilleure solution sur cette position problématique et ça lui a valu le titre mondial.

                                       

La rouge est juste en dehors du contre sur la blanche et juste en dehors du contre sur la jaune. Essayez-le, c'est un point très exigeant.

                                       

Le tracé de ce parcours n'est pas exact notamment entre la première et la deuxième bande où la ligne est incurvée.

                                       

Ca semble facile sur ce diagramme mais ça ne l'est pas (position des billes deux et trois différentes en réalité : rouge première mouche et blanche à environ 1,75 mouche sur la longueur). Il faut beaucoup de coulé pour faire la troisième bande après avoir touché la rouge. Là non-plus, le diagramme n'est pas exact car la jaune fait plus qu'un angle droit après le contact avec la rouge. On observe même la jaune avoir un effet rétro après contact (légère courbe en arrière). La quantité touchée par Blomdahl est parfaite...

 

Traduit de l'article en anglais de Bert van Manen

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