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Le mental est surestimé

18/07/2017

Publié par jérémie picart

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© © Kozoom

L’une des choses que les joueurs de billard adorent faire est de critiquer des joueurs meilleurs qu’eux. On réalise sans problème qu’ils sont bien meilleurs mais quand ils commettent des erreurs, cela crée un lien de parenté. C’est alors la réaffirmation que nous sommes tous humains et cela conforte notre appartenance commune dans un même jeu.

 

Je ne suis habituellement pas l’un des joueurs les plus critiques. Mon ami Frits Bakker dit que je pardonne trop, que je suis trop doux. « Tu es un analyste, je suis un journaliste ». Il a certainement raison. L’explication vient probablement du fait qu’en dépit d’un niveau modeste, j’appartienne néanmoins au circuit. Pas dans les tribunes mais bel et bien sur la table avec. La queue de billard à la main. Ca change tout.

 

J’ai gagné un match de World Cup 15 à 14 au 5ème set et j’en ai perdu un autre sur ce même score. S’il y avait eu une justice, j’aurais perdu le premier et gagné le second. Une ou deux fois, j’ai battu un adversaire meilleur que moi. Plus souvent, je me suis fait battre par des joueurs moins forts. L’un des trucs que j’ai appris : parfois vous vous dépassez, vous êtes au meilleur de votre forme mais ça ne suffit pas. Vous êtes concentré, tout est sous contrôle, vous prenez les bonnes décisions et, sans une technique extraordinaire, vous parvenez à toucher les billes à l’endroit exact où vous le souhaitez. Et vous manquez.

 

Ce n’est pas tant parce que le 3 Bandes est le jeu le plus difficile au monde, c’est qu’il est également plus cruel que ne l’est Boko Haram.

 

Il n’y a pas de honte à critiquer, cela peut même nous rendre plus fort et peut nous aider à progresser. Mais d’après mon expérience, le joueur de billard critique toujours pour de mauvaises raisons. Beaucoup de passionnés du jeu, principalement non-joueurs, ont une obsession de l’aspect mental et en font la principale cause de défaite.

 

La cible privilégiée : les joueurs entre 1,200 et 1,700. En-dessous et il semble évident que vous n’allez pas concourir pour la victoire en World Cup. Au-dessus et vous faites partie de élite de notre jeu. Mais attention si vous vous situez à 1,500 car vous serez passé au crible à chaque match que vous jouez.

 

Regardons ces quelques exemples de ce qui se passe chaque jour au 3 Bandes à haut niveau :

 

1a) Vous commencez un match par 6-1-9-2. Vous êtes adulé car la marque indique que vous jouez à merveille. En fait, trois de vos séries se sont terminées sur un très mauvais coup. Vous avez 18 points mais vous devriez en avoir 25.

 

1b) Vos quatre dernières reprises d’un match sont 0-1-0-0. Votre adversaire a fait 15 points sur ces mêmes reprises et après avoir mené 37 à 25, vous vous inclinez 38 à 40. Vous serez alors crucifié car vous avez craqué mentalement, vous êtes un loser qui ne supporte pas la pression. En réalité, les quatre positions auxquelles vous étiez confronté étaient toutes désespérément difficiles et vous avez bien touché trois d’entre elles. Votre mental était parfait sur cette fin de match.

 

2a) Votre adversaire fait une erreur stupide à 39 à 35 et il vous laisse une dernière chance. Vous exécutez 5 derniers points classiques car deux d’entre eux étaient des touches fines qui vous permettaient de jouer encore derrière. Kermit la Grenouille aurait pu aisément faire ces 5 points mais votre statut est alors celui d’un winner qui ne renonce jamais.

 

2b) Vous n’avez fait aucune erreur durant la majeure partie d’une rencontre et vous vous retrouvez à 39 à 35 en votre faveur. Là, vous faites votre première erreur stupide et votre opposant vous puni en finissant sur 5. Vous valez 1,300, votre adversaire 2,000 et le match se clôture à 40 à 39 en 19. Vos 18 premières reprises exemplaires seront instantanément oubliées.

 

Oui les joueurs ratent parfois sous la pression, les nerfs lâchent. Mais ils manquent plus souvent encore en raison de la difficulté d’un coup. Quand nous parlons d’une World cup, les joueurs qui ne supportent pas la pression d’un match ou qui ne peuvent contraire leurs émotions sont habituellement à l’hôtel ou sur le chemin du retour chez eux avant le vendredi.

 

Existe-t-il des joueurs qui n’ont jamais été accusé d’avoir craqué nerveusement ou de ne pas avoir été à la hauteur au pic de la pression ? Oui. Il s’agit de Sanchez, Jaspers, Zanetti, Caudron, Blomdahl, Merckx. La crème de la crème.

 

Voyez-vous ce qui se passe ici ? Parvenez-vous à déceler ces illogismes, ces incohérences ? Laissez-moi vous le dire différemment : Usain Bolt gagne toujours le 100m avec 10% de mental, de concentration et de confiance en soi… et 90% car il court plus vite que les autres. Ce ne serait pas une mauvaise idée d’établir ce même constat pour les joueurs de 3 Bandes, d’analyser sous cet angle au lieu de s’attaquer au mental de ces merveilleux joueurs qui sont juste un cran en-dessous de l’aptitude à devenir des Champions du monde.

 

Caudron et Sanchez sont simplement plus forts que ces joueurs à 1,500 et ils ont plus d’outils à leur disposition. Si la table est compliquée, ils s’adaptent plus vite et jouent différemment. Si leurs positions sont impossibles, ils trouvent une manière intelligente de défendre. Ils ne gagnent pas toujours en raison de leur mental à toute épreuve. Plus souvent, ils l’emportent grâce à leurs connaissances, à leur flexibilité, à leur créativité. Je pense qu’ils sont marginalement plus forts (mentalement) que leurs homologues à 1,500 mais pas de façon dramatique.

 

Ayons un peu de compassion pour les joueurs qui perdent. Qui aurait fait mieux dans leur situation ? Et au final, si vous voulez appréciez le jeu de quelqu'un, ne regardez pas la marque, regardez la table !

 

(Traduction de l'article en langue anglaise de Bert van Manen)

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