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Le plus heureux/malheureux joueur de billard

12/21/2018

Published by jérémie picart

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© © Kozoom Studio

Le continent africain est environ trois fois plus grand que l’Europe et il compte 1,2 milliard d’habitants. Si nous voulions être sérieux concernant le développement de la popularité du 3 Bandes, ce serait une erreur de se concentrer juste sur l’Europe, l’Asie et l’Amérique. Il y a vingt ans de cela, il pouvait (et devait !) y avoir des salles de billard dans les rues de Johannesburg, de Nairobi et de Lagos. Un immeuble nécessitant des fondations, c’est en 2013 que fut créée l’ACC (Confédération Africaine de Billard).

 

L’ACC est-elle une confédération au vrai sens du terme ? Non. Y a-t-il des championnats nationaux au Congo, en Tanzanie ou en Côte d’Ivoire ? Non. L’ACC existe essentiellement grâce à l’Egypte qui est la seule nation où le billard est populaire et structuré. La confédération est en travaux, ce n’est pas un produit fini.

 

En conséquence, le jeune et talentueux Monsieur Sameh Sidhom se retrouve dans une situation inhabituelle, heureuse et confortable. Il est de loin le meilleur joueur égyptien et donc le meilleur joueur africain. Quand il gagne le championnat continental africain, ce qu’il fait depuis plusieurs années, il est récompensé qui même nombre de points que celui qui remporte le championnat européen, panaméricain ou asiatique soit 80 points de ranking UMB. Nul besoin d’expliquer qu’il est bien plus compliqué de gagner les titres CEB (Europe), ACBC (Amériques) ou CPB (Asie).

 

Et cela va plus loin. Sameh est aussi largement favori du championnat national égyptien et cela lui rapporte 30 points de plus. Il a en conséquence le statut de tête de série dans les World Cup ce qui lui apporte toujours un minimum de 8 points même en cas de défaite au premier tour de jeu. Avec la prise en compte des 8 dernières World Cup jouées, cela lui procure un total de 80+30+(8x8) soit 174 points de ranking. Ajoutez à cela une sélection au championnat du monde individuel (8 points minimum) et son total passe à 182 points sans avoir un joueur à plus de 1,200. Actuellement il vous faut 190 points pour apparaitre dans le Top 14 synonyme de statut de tête de série et de remboursement de tous vos frais lors des World Cups.

 

Comparez sa situation avec celles des bons joueurs européens pas assez bons pour remporter un titre continental. Ou comparez avec les Coréens ou Vietnamiens à qui il manque un petit quelque chose pour s’emparer d’un titre de Champion d’Asie. Ces joueurs-là ne prennent généralement pas non plus les 30 points de leurs championnats nationaux mais plutôt 7 ou 12. En championnat continental, ces joueurs prennent 12 ou 24 points, s’ils ont de la chance, au lieu des 80. Le résultat est que ces joueurs doivent se payer intégralement leurs déplacements sur les World Cups. Certains d’entre eux sont d’un niveau égal à Sameh Sidhom.


                               

 

Avant d’entamer la deuxième partie de cette colonne, un mot à propos de Sameh. C’est vraiment un mec bien. Aucune trace d’arrogance en lui, il peut gagner avec style et perdre avec grâce. Son jeu est un bonheur pour les yeux : il est fluide, naturel et il est un mélange polychronopoulossien d’irrégularité et de fulgurance. Il s’est amélioré ces dernières années passant de 1,250 aux alentours des 1,500 et j’espère que son ascension continuera. Je le considère comme un futur grand ambassadeur de notre sport, il inspirera de jeunes Egyptiens à jouer au 3 Bandes et, par chance, il peut  faire la même chose avec tous les pays d’Afrique.

 

Alors est-il le joueur le plus chanceux au monde ? Regardons ses résultats 2018 en World Cup.

 

- Antalya : Sidhom/Leppens 39/40 en 26

- Ho Chi Minh : Sidhom/Morales 40/40 en 24 (Sidhom perd 0/1 en prolong.)

- Blankenberge : Sidhom/Capak 40/40 en 25 (Sidhom perd 0/1 en prolong.)

- Porto : Sidhom/Zapata 38/40 en 20

- La Baule : Sidhom/Nelin 28/40 en 24

- Seoul : Sidhom/Sung Uk Oh 40/40 en 25 (Sidhom perd 0/1 en prolong.)

- Somabay : Sidhom/Haack Sörensen 40/37 en 20, Sidhom/Jaspers 40/40 en 21 (Sidhom perd 3/4 en prolong.)

 

Sur 7 World Cups, la moyenne est de 1,588, il ne gagne qu’un match, il en perd un assez nettement, deux sur une petite marge, quatre aux prolongations avec 1 point d’écart. Ces matchs, il aurait pu les gagner, certains, il aurait même dû les gagner. Une générale de 1,588 ? Je dirai que c’est plutôt excellent.

 

Est-il le joueur le plus malchanceux au monde ?

 

Je ne crois pas. Les arguments en faisant le joueur le plus chanceux l’emportent. Après tout, vous ne pouvez gagner en prolongation que si vous réussissez le point d’entrée. Je suis convaincu que ça l’a beaucoup travaillé. Nous l’avons déjà évoqué avant, quand la pression atteint un pic, il ne s’agit plus de connaissances, de systèmes ou de positions de jeu ouvertes. D’autres choses importent : pouvez-vous contrôler votre rythme cardiaque ? Pouvez-vous maîtriser vos nerfs, vos émotions ? Vous apprenez à bien mieux vous connaitre sur une prolongation que sur des matchs d’entrainement..

 

Mais si vous êtes un joueur de billard et que vous analysez sa saison, vous DEVEZ forcément être désolé pour lui. Combien de déceptions successives peut supporter un joueur ? Combien de fois peut-il faire 40 en 24 ou 40 en 21 et ne pas jouer le tour suivant ? Quel sport cruel auquel nous jouons.

 

Mon avis est que les 30 points et les 80 points des championnats nationaux et internationaux sont des récompenses trop élevées et particulièrement les 80 points. Les 30 points ne créent pas de disparités énormes : cela réhausse juste un peu plus quelques champions nationaux de petits pays au ranking UMB. Personne ne s’offusque qu’un joueur soit 95ème ou 73ème au classement UMB. Par contre, les 80 points pèsent bien plus lourd dans la balance, bien trop lourd même depuis que le Top 14 et le Top 20 (3CC Masters) offrent de réels avantages financiers. Les joueurs doivent avoir des chances égales, des conditions égales sans prendre en considération le pays où ils vivent. J’espère que le comité de l’UMB évaluera ceci de façon juste et pourquoi pas ajustera en conséquence l’échelle d’attribution de points.

 

(Traduction de l'article en langue anglaise de Bert van Manen)

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