Les 78 médaillés en World Cup

En 1986, un homme valant à peine 0,400 au 3 Bandes, a changé la vie des joueurs de 3 Bandes pour toujours. Il se nommait Werner Bayer, un homme d’affaires allemand passionné de billard et visionnaire. Il a fondé la BWA (Billiard World Association) avec l’intention de professionnaliser le sport.

Fini les bouquets de fleurs et les éventuels ustensiles de cuisine pour récompenser les victoires, les joueurs doivent absolument gagner leur vie. Fini les salles bruyantes, enfumées et basses de plafond lors des grands tournois internationaux : l’hôtel Kempinsky à Berlin, Le Hilton à Anvers et le Teatro Principal de Palma accueilleront désormais les manifestations de 3 Bandes et seront appelées World Cups.

Les matchs longue distance (50 ou 60 points) disparaissent, le nouveau format est au meilleur des 5 sets de 15 points. Le drap vert fait place au bleu : un simple coup d’œil sur la couleur permettait de savoir qu’il s’agissait de joueurs professionnels, le bleu leur étant réservé. Au début des années BWA, Raymond Ceulemans était le meilleur d’entre tous. Un jeune Suédois n’allait pas tarder à arriver.

Cela s’est bien passé pendant une bonne décennie même si les dotations ont chuté dans les années 90. Bayer avait mis la barre très haut, trop haut peut-être. Organiser une World Cup était trop coûteux. Le bâtiment a commencé à révéler ses fissures, sa fondation n’était pas assez large, pas assez solide. Et les intérêts de la BWA, représentant deux douzaines de joueurs professionnels, n’étaient pas toujours en harmonie avec ceux des instances internationales : l’UMB et la puissante CEB représentaient alors des centaines de milliers de joueurs. Peu de temps après, la guerre était ouverte entre la BWA d’un côté et les instances internationales de l’autre.

Les meilleurs mondiaux sont devenus des pions sur l’échiquier du billard, il y avait des batailles légales, des sanctions, suspensions. On trouvait même deux listes distinctes de classement mondial dans les années 90. Sans entrer dans les détails, il est juste de dire que la situation en était à un point où personne n’était moralement innocent  de cette escalade. Même un étranger se serait aperçu que tout le monde avait tort et le sport devint alors la principale victime de guerre. Pas un tournoi n’a eu lieu en 2002.

Cela fait maintenant 15 ans que la BWA est morte. La cause du décès ? On pourrait dire par étranglement ou aussi arguer d’un suicide. Ni l’un ni l’autre n’est entièrement vrai, bien sûr. Qu’il est ironique et triste que les principaux guerriers de cette tragédie grecque avaient un but commun : faire avancer le sport qu’ils aimaient. Ces hommes sont morts depuis. Je suggère que nous les laissions en paix et que nous nous rappelions leur dévouement au 3 Bandes. Le passé appartient au passé.

L’UMB a repris les repris les rênes en 2004 et a organisé un nouveau circuit de World Cups avec quatre épreuves minimum par an à l’exception de 2012 (seulement trois). L’an dernier, il y en avait sept. Bon nombre d’innovations de la BWA sont toujours en place : tours de qualifications menant à un tournoi principal à 32 joueurs, système de têtes de séries, vainqueur de la saison des World Cups.

"Si tout fonctionne, inutile de réparer"

Les dotations de l’après-BWA ne sont pas impressionnantes. Mais au moins, il y avait de la stabilité et une certaine continuité. Ne plus tenter d’atteindre le ciel : les prestigieux hôtels d’Europe de l’ouest ont fait place aux resorts égyptiens et turcs. Les World Cups sont devenues des tournois "hybrides" où chacun trouve sa place, amateurs ou professionnels, les têtes de séries se montrant sur un long week-end.

En 2013, l’UMB opère un changement radical, l’abandon des sets au profit de matchs en 40 points. La raison : la capacité d’attention des gens est beaucoup plus courte de nos jours qu’elle ne l’était en 1986. Et 15/13, 13/15, 15/10, 14/15, 15/12 peut durer plus de 3 heures ou plus même avec une horloge. C’est invendable en 2017. Si, sur la table adjacente, le score est de 15/4, 15/6, 15/1, ça devient un cauchemar.

Ce que l’on pourrait vendre (et je le recommande), ce sont des matchs en 50 points à partir des demi-finales de World Cups. Les moyennes actuelles le permettent, le programme également et cela reflèterait mieux la force des joueurs.

Ce que le travail combiné de la BWA et de l’UMB nous a laissé ces trente dernières années est l’histoire des 147 World Cups jouées. Ce sont nos Wimbledon et nos US Open, c’est là que nos joueurs peuvent devenir immortels. Alors oui, le titre mondial est le plus convoité de notre sport. D’autres épreuves comme le Crystal Kelly, l’Agipi Masters et les World Games apportent aussi une certaine notoriété. Mais les World Cups sont le principal objectif des meilleurs joueurs depuis que Werner Bayer a demandé à Simonis de mettre des tapis bleus.

Voici un tableau récapitulatif des podiums en World Cups avec ces quelques précisions :

- La suprématie historique de Raymond Ceulemans est bien plus révélatrice que son rang dans cette liste. Sa carrière internationale démarre en 1961 et au moment de la création de la BWA, il totalisait déjà 21 titres européens et 19 mondiaux.

- Le classement de Caudron, Sanchez, Merckx et Jaspers se rapprochera probablement de celui de Blomdahl dans les années à venir mais personne ne dépassera 43-18-26, ça semble hors de portée.

- Nous avons perdu quelques joueurs de renom : Steylaerts, Komori, Weingart, Pilss, Kobayashi, Gilbert, Boulanger, Sang Lee, K-R Kim : ils nous ont quittés. Je pense à eux et plus particulièrement à Komori-San.

- Dans cinq ans, qui devrait apparaître ou progresser dans cette liste ? Voici mon avis et leurs noms se décomposent tous en trois parties : Myung Woo Cho, Jae Ho Cho, Haeng Jik Kim et Poly Chro Nop.

- Si vous souhaitez visualiser la liste complète des résultats en World Cups, moyennes et vainqueurs de chaque saison inclus, vous pouvez la télécharger sur ma page Facebook à Bert’s Billiard Page.

(Article de Bert van Manen traduit de sa version en langue anglaise)