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Qu'est-il arrivé à la partie Libre ?

08/05/2019

Publié par jérémie picart

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© © Kozoom

Dans la catégorie des questions du Trivial Poursuit du Billard, il y a cette éternelle favorite : « Qui est le Champion du monde en titre à la partie Libre ? » La réponse, et je suis sûr que certains d’entre vous la connaissent, est Raymond Ceulemans. C’était à Linz en Autriche en 1969. C’était la dernière édition du championnat du monde à ce mode de jeu. Cinquante ans, un demi-siècle, se sont écoulés depuis et aucun club ou aucune fédération n’a jamais dit : « Organisons un championnat du monde à la Libre ! » Pourquoi cela ?

 

On considère que c’est un jeu trop facile. Trop de joueurs sont capable de finir la partie en 1 reprise, que ce soit en 400 ou 500 points, grâce à la série Américaine où les billes sont regroupées en triangle que l’on fait évoluer le long des bandes autour de la table. Le légendaire Willy Hoppe réalisait des séries de plus de 2000 points vers 1915. Même les règles ajoutées plus tard (qui ne permettent de faire qu’un point dans les triangles tracés aux quatre coins ou qui imposent une remise sur mouche en cas de contact de la bille du joueur avec une autre bille) n’ont pas modifié fondamentalement le jeu de la Libre. L’habileté des joueurs s’est donc naturellement reportée vers des modes de jeu au challenge plus important tels le 47/2, le 71/2 ou le 47/1, ils ont migré.

 

Le coup de grâce fut apporté en 1988 aux Pays-Bas. Harrie Van de Ven était un formidable joueur de Libre qui s’est retrouve en finale du championnat national sans avoir manqué un seul coup. En qualification, il avait gagné ses matchs en 1 reprise, en demi-finale rebelote. Il était sur le point de rééditer cet exploit en finale contre Raimond Burgman quand après 253 points joués rapidement, l’arbitre le renvoie à sa chaise. L’homme en noir explique que l’une des deux billes objets était encore en mouvement quand il a joué son 254ème coup. Son adversaire Burgman fait ensuite calmement ses 400 points et gagne le championnat à la moyenne générale de 160,00. La moyenne de Van de Ven est de 375,50, il n’a pas manqué durant cette épreuve et se retrouve avec l’Argent.

 

Les joueurs, spectateurs, journalistes et le monde du billard réalisent alors : c’est ridicule. C’est ce week-end là que la « Libre », ainsi communément nommée, est morte pour les professionnels du billard. Pour les amateurs, elle a continué à vivre bien sûr. Que vous valiez 1,00 ou 10,00, que vous jouiez sur 2m60, 2m80 ou 3m10, jouer la Libre peut être un challenge difficile, gratifiant et beau. Peu de choses au billard peuvent être visuellement plus plaisantes à observer qu’un beau regroupement de billes. Ce jeu a toutes les conditions pour continuer à vivre et pour continuer à être joué et la courbe d’apprentissage est fascinante. C’est seulement quand vous avez DOMPTÉ la Libre qu’elle devient répétitive, facile et (désolé de le dire) un peu ennuyeuse.

 

Les championnats d’Europe regroupés de Brandenburg ne proposent pas de titre à la Libre pour les Seniors. C’est réservé aux Juniors (U21), aux Cadets (U17) et aux Féminines, c’est ainsi. Je pense qu’il y a une raison solide à cela. Je me demande juste pourquoi nous avons le 47/2 et le 71/2 mais point de 47/1 ? Est-ce une interrogation légitime ? Brandenburg ne se focalise que sur ces deux modes de jeu en raison de leur potentiel commercial et de leur avenir comme le 3 Bandes et le 5 Quilles. En individuel, par équipe de club, par équipe nationale, petites tables, grandes tables, Féminines, Juniors, Cadets, Fauteuils Roulants, Brandenburg propose tout ça.

 

Je vais tenter de répondre à une question récurrente : « Est-il nécessaire d’aller à l’école et d’apprendre à jouer à la Libre avant de se mettre au 3 Bandes ?

 

Non.

 

Certains grands joueurs ont un passé aux jeux de séries, d’autres non. Certains sont passés du Pool ou du 5 Quilles au 3 Bandes. Certains joueurs à 1,000 au 3 Bandes valaient 100,00 à la Libre, certains avaient peine à faire 5,00. Certains Coréens et vietnamiens ont joué au 3 Bandes depuis leur premier jour. Votre habileté à la Libre (ou aux Cadres) n’a rien à voir avec votre potentiel au 3 Bandes. Ce qui est crucial par contre est d’avoir une technique solide, un coup de queue de qualité et rectiligne, laisser votre main sur la table, ne pas bouger le corps. Vous pouvez apprendre tout ça sans passer par les jeux de séries.

 

Est-ce que j’oublie quelque chose ? Oui. La discipline qui fait le lien entre les jeux de séries et le 3 Bandes est la Bande. Un incroyable mode de jeu qui teste chaque aspect de votre habileté de joueur de billard. Si vous avez une faiblesse quelque part, la Bande la révèlera. Vous devez savoir visualiser les lignes et faire les grands points de 2, 3 Bandes ou plus. Vous devez aussi être précis sur les finesses, savoir faire les points dans une aire réduite, exécuter les piqués et les massés miniatures et amortir les coups quand la bille numéro 2 traverse le monde alors que votre bille ne bouge que de 12 millimètres.

 

La Bande est une maitresse impitoyable. Hier, le Néerlandais Dave Christiani et le Belge Eddy Leppens, tous deux grands joueurs et forts au Cadre ET au 3 Bandes, se sont battus pendant 2h30 sur des positions très difficiles. Ils n’ont pas produit leur meilleure performance mais il faut reconnaitre que les billes ont été cruelles avec eux. Considérez moi comme un sadique mais j’ai regardé ce match avec fascination (et admiration). S’il n’y avait pas de souffrance dans notre sport billard, ce ne serait pas la métaphore de la vie d’aujourd’hui.

 

(Traduction de l'article en langue anglaise de Bert Van Manen)

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