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Regardons un match comme on regarde une reprise

08/02/2019

Publié par jérémie picart

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© © Kozoom

Permettez-moi de commencer par des excuses : ce sera la colonne la plus ennuyeuse que j’ai jamais écrite. Il s’agit de probabilité et de variable aléatoire.

 

Si ces phrases ne vous ont pas effrayé et que vous lisez encore, vous devez être un peu comme moi : vous êtes intéressés par tous les aspects de notre jeu de 3 Bandes. Et c’est en fait assez fascinant : le sujet que je vais aborder concerne les scores haut et bas que nous pouvons réaliser et je vais tenter d’expliquer pourquoi le joueur de 3 Bandes a tantôt le personnalité du Dr Jekyll, tantôt celle de Mr Hyde.

 

J’ai été un joueur à 1,000 de moyenne pendant de nombreuses années et pourtant je n’ai jamais produit une feuille de match de ce type : 1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1-1 soit 25 points en 25 reprises. C’est pourquoi nous parlons d’une moyenne : la combinaison de toutes mes reprises, les bonnes comme les mauvaises, cette moyenne me caractérisant comme un joueur à 1,000 de moyenne. Ma feuille de match serait plutôt celle-ci : 2-0-0-0-4-0-1-0-0-0-0-0-7-1-0-0-3-3-0-0-1-1-0-0-0-2, c’est là aussi 25 points en 25 reprises.

 

Ai-je joué du très beau 3 Bandes sur 6 de ces reprises, du jeu normal sur quatre d’entre elles et du très mauvais 3 Bandes sur les 15 autres reprises ? Non. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles j’ai eu 15 échecs et il y a aussi des raisons pour lesquelles j’ai marqué 4 et 7. La qualité de jeu n’est guère importante ici : j’ai peut-être mal joué sur mes deux séries de trois et j’ai peut-être bien joué sur mes reprises à vide. Un même joueur est à la table tout au long d’un match et il semble donc logique que nous produisions des reprises de qualité comparable que nous marquions ou non.

 

Ce qui est vrai pour moi l’est aussi pour un joueur à 0,500 ou un autre à 2,000. Quel que soit votre niveau de jeu, dans la majorité de vos parties, vous obtiendrez des scores supérieurs à votre valeur moyenne et des scores inférieurs à votre valeur moyenne. On appelle cela une variable aléatoire et le joueur de billard est capable de comprendre ça mieux que la plupart des gens puisqu’ils constatent ce principe chaque jour.

 

Il est assez facile et évident de comprendre qu’une série de 4 ne fait pas de vous un joueur de classe mondiale et que trois reprises à vide à la suite ne font pas de vous un mauvais joueur. Nous savons que la variable aléatoire produit des résultats qui sont parfois très éloignés de nos capacités propres. Tant qu’il s’agit de reprises, nous comprenons.

 

Et puis les reprises se transforment en matchs et, tout-à-coup, nous avons tendance à oublier cette variable aléatoire. Nous commençons par dire des bêtises telles que : « Comment peut-il faire 40 en 18 le jeudi et ne pas parvenir à atteindre 1,000 le vendredi ? C’est incroyable. »


Non, ça ne l’est pas, c’est tout-à-fait normal.

 

Il a gagné le jeudi en faisant 40 en 18 et il a perdu le vendredi en faisant 18 en 24 ce qui donne une moyenne de 1,380. Devinez quoi, c’est un joueur à 1,400. C’est ce que font les joueurs à 1,400.

 

« Mais as-tu vu ce deuxième match ? Il a raté trois coups faciles et enfantins. »


Encore une fois, c’est ce que fait un joueur à 1,400. S’il ne le faisait pas, ce serait un joueur à 1,800. Rien d’extraordinaire ne s’est produit. La seule chose extraordinaire à ce sujet est la façon dont nous y répondons. Nous le féliciterons s’il joue d’abord à 0,750 puis ensuite à 2,200 « Il peut élever son niveau de jeu, il est fort mentalement. » Nous le réduirons à néant s’il commence par 2,200 pour finir sur 0,750 « Il ne supporte pas la pression. »


Un, match est fondamentalement la même chose qu’une reprise. Voici une comparaison pour vous : Si vous laissez une machine jouer à pile ou face, dix essais ne signifient rien, on pourrait obtenir 2 à 8 ou 1 à 9. Qu’en est-il d’une centaine ? Pas assez. Un millier ? Les scientifiques affirment qu’il faudrait environ 5000 lancers pour obtenir une valeur proche des 2500 pile et 2500 face soit 50% chacun. La variable aléatoire vient de se dissoudre dans la profondeur des grands nombres.

 

Concernant le joueur de billard, 100 voire 250 reprises ne suffisent pas à juger de la capacité d’un joueur. Et d’ailleurs, à propos de sa « forme », ce que l’on appelle souvent une « excellente forme » ou un joueur en « pleine réussite » n’est qu’une variable aléatoire, la pièce tombant quatre fois de suite sur un même côté.

 

Ajoutons à ce que nous avons observé précédemment. Le 3 Bandes a l’habitude de distribuer de bonnes et de mauvaises fortunes aux joueurs et de rendre leurs résultats moins bons ou meilleurs qu’ils n’y paraissent en réalité. Nous ne parlons pas ici des points volés, des points chanceux mais juste du roulement de la bille. Bille collée à la bande : point infaisable. Bille à 6 cms de la bande : point immanquable. Bon coup, arrivée sur le plein de la bille numéro 3 : point infaisable. Mauvais coup, arrivée sur l’extrême finesse de la bille numéro 3 : position ouverte et point immanquable. C’est ainsi et l’impact est énorme.

 

Revenons au joueur à 1,400 et ses deux matchs consécutifs. Une variable aléatoire lui donnerait (par exemple) des correspondances de 1,200 et 1,800. Un drôle de roulement de bille ici où là (à son avantage) lors du premier match et une malchance au second match pourraient transformer ces deux matchs à 1,400 chacun. Et bien sûr, si nous inversions la chance et la malchance, il aurait pu faire d’abord 0,750 puis ensuite 2,200. Même joueur, même connaissances, même concentration, même capacité. Dans de nombreux cas même, qualité de jeu comparable.

 

Est-ce juste une question de chance et de variable aléatoire ? Les joueurs de 3 Bandes ne jouent-ils jamais mal ? Ne sont-ils jamais exceptionnels ? Bien sûr que non. Ils ont parfois ingurgité le mauvais aliment à leur petit déjeuner ou se sont disputés avec leur petite amie et leur concentration en pâtit. Ou alors ils se sont réveillés avec le sourire, se sentent énergiques et concentrés à bloc, jouent avec confiance et courage. Ils ont des jours avec et des jours sans.

 

Mais nous ne pouvons jamais le savoir en regardant le tableau de marque. Nous devrons regarder ce qu’il se passe à la table.

 

(Traduction de l'article de Bert van Manen en langue anglaise)

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