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Saloperie de Karma

16/10/2016

Publié par jérémie picart

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© Kozoom

Non, je ne parle de Karma, le fabricant de queues de billard. Je suis sûr que ce sont d’honnêtes gens qui produisent du bon matériel. C’est au sujet de choses du passé qui sautent et vous mordent au cou. Cela peut être des choses que vous faîtes, des choses que vous dites. Ca peut prendre 20 ans, ça peut aussi prendre 10 minutes.

August Tiedtke (1913/1972) était l’un des meilleurs joueurs que l’Allemagne aie jamais connu et en ce dimanche après-midi précis, il n’était pas heureux. C’était à Düsseldorf en 1960 et Tiedtke venait tout juste de s’emparer de la médaille d’Argent au championnat d’Europe 3 Bandes individuel. Pourquoi donc était-il malheureux ?

Car il n’avait jamais gagné le titre. Parce qu’il avait déjà fini deuxième auparavant, la première fois en 1936. Il était encore second en 1952, 1953 puis en 1956, 1957, 1958, 1959…. Et à nouveau en 1960. Que des médailles d’Argent et en 1960 aux dépens du Belge René Vingerhoedt qui fut son bourreau à 6 de ces 8 occasions.

Pouvez-vous seulement imaginer la frustration de l’Allemand ? C’est comme si votre carrière entière était mise sous l’éteignoir, contenue, paralysée par ce damné Belge.

L’Autrichien Johann Scherz (1932/2004), de 19 ans le cadet de Tiedtke et la révélation de cette époque, parlait la langue de Tiedtke et le réconfortait sans vraiment que je sache s’ils étaient amis ou pas. Ce qu’il lui disait était sûrement approprié, authentique, c’était peut-être aussi destiné à remuer le couteau dans la plaie. Nous ne saurons jamais. Mais les paroles de Scherz resteront dans l’histoire, sont immortelles : « Avec ces huit médailles d’Argent, au moins vous détenez là un record qui ne sera jamais battu. »

Comment ce jeune et arrogant Scherz pouvait-il savoir que deux ans plus tard, en 1962, arrivait sur la scène un certain Raymond Ceulemans ? Combien de fois Scherz a-t-il dû regarder en arrière ce fameux jour de 1960 à Düsseldorf souhaitant pouvoir effacer ce qu’il avait dit à Tiedtke ?

Au moins 11 fois, l’Autrichien allait prendre la médaille d’Argent au championnat d’Europe… de 1962 à 1966, 1968, 1970, 1971, 1980 et 1982. Et à chaque fois, l’Or est revenu à un satané Belge, Raymond Ceulemans.

Heureusement et en dépit des deux belges, Tiedtke et Scherz ont connu une belle carrière bien méritée. L’Allemand a remporté 32 titres nationaux (toujours un record partagé avec Dieter Müller) et un titre de Champion du monde à la fois au pentathlon et à l’Artistique. Scherz a, pour sa part, remporté un titre mondial au Cadre 71/2 et a tout de même été Champion d’Europe au 3 Bandes à deux reprises en 1958 à Cannes et en 1961 à Trieste. Sa collection de titres nationaux en Autriche est époustouflante dans toutes les disciplines : 92 titres.

                                                     

Naturellement, je n’ai jamais rencontré Tiedtke. Mon seul et unique match contre Scherz est inoubliable et le Karma a joué un rôle majeur. C’était au Grand Prix de la BWA en 1997 au Casino de Velden en Autriche. J’étais qualifié pour le tableau principal, Scherz avait une Wildcard. Il avait alors 65 ans et toujours capable de faire 1,000 de moyenne. Il y avait plus de 200 spectateurs quand il jouait et je sentais bien qu’ils étaient tous fans de leur champion. Un silence de cathédrale quand je réussissais un point difficile, des tonnerres d’applaudissements quand Scherz réussissait un point facile.

Le vétéran autrichien remportait les premier et troisième sets (15/4 et 15/4) et je prenais le deuxième (15/4). On en était à 10/4 dans le 4ème set et mon sang bouillait. Scherz n’avait rien fait de mal mais le public semblait avoir eu raison de moi et je le haïssais. Je sortais alors une série de 11 pour remporter le 4ème set encore une fois dans un silence de mort. Personne pour applaudir le 10ème point, pas un claquement de doigt pour le 11ème, rien. Avant de m’assoir, je levais les yeux vers les gradins puis je fis un geste, l’un de ces gestes que tout le monde comprend et pour lesquels vous n’avez besoin que d’un unique doigt…

Aucune excuse pour cela, je regrette, c’était stupide, pas professionnel et anti-sportif. Mais à ce moment là en 1997, à 15h30, j’étais prêt à déclarer la guerre à l’Autriche. Le Karma m’a alors rattrapé et remis à ma place peu avant 16h00.

Nous avons joué un 5ème set extrêmement serré : 4/4, 7/8, 11/10 en 14 ou 15 reprises défensives à souhait. Le public (surprise, surprise) avait redoublé d’efforts et applaudissait maintenant quand je ratais. C’en était trop pour Scherz qui s’est dirigé vers ma chaise, a pointé les spectateurs et dit « Meine Entschuldigung » (Désolé). Puis nous sommes arrivés à 14/14 et avons tous deux raté deux billes de match. Puis Scherz est venu à la table et, face à une situation impossible, a volé le dernier point sur un coup du sort scandaleux.

Tout cela ne signifie rien bien sûr. Scherz a été éliminé au tour suivant (comme je l’aurais probablement été) face à Raimond Burgman. Jaspers a battu Blomdahl en finale (2,538 pour TB et 3,500 pour DJ). Je suis rentré de Velden avec tout le temps nécessaire pour réfléchir à ce mauvais Karma.

 

(Article de Bert van Manen traduit de sa version en langue anglaise)

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