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Torbjörn Blomdahl (50 ans) éternel passionné

24/10/2012

Publié par jérémie picart

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© © Harry van Nijlen/Kozoom
Le retour du gladiateur à Suwon et la reconquête de sa première place mondiale

Le Suédois Torbjörn BLOMDAHL, né le 26 octobre 1962, fêtera ses 50 ans vendredi prochain à Backnang (DE) où il réside depuis maintenant 18 ans.

C’est l’occasion de revenir sur la carrière de ce champion hors norme dont les plus belles performances sont peut-être à venir comme en témoigne sa récente victoire à Suwon (KR).

BLOMDAHL a révolutionné la discipline du 3 Bandes dans les années 80 en lui apportant de l’audace et de la créativité et cette approche nouvelle associée à une façon énergique de se mouvoir autour de la table ont permis au Suédois d’acquérir cette classe incomparable.

Le successeur de Raymond CEULEMANS a grandi en Suède et a bénéficié d’une époque plus propice au professionnalisme que son prédécesseur avec des dotations en tournois et des contrats de sponsoring plus favorables financièrement. BLOMDAHL a fait ce choix de carrière guidé par un amour indéfectible pour le billard.

« J’ai la chance de pouvoir durer dans ce sport bien plus longtemps que ceux qui ont choisi des sports physiques. »

Un arrêt éventuel de sa carrière n’est pas d’actualité depuis que le Suédois s’est, à nouveau, installé en tête du ranking mondial.

Elu 10 fois meilleur joueur de l’année au classement général de la Coupe du Monde, il joue désormais avec la même fougue et la même envie qu’à ses débuts et cette ambition intacte de « jeune premier », après de nombreuses années de pratique au plus haut niveau, en fait un exemple dans son sport.

BLOMDAHL possède le deuxième meilleur palmarès de l’histoire loin derrière celui de Raymond CEULEMANS qui n’avait pas de réels adversaires à sa mesure. A l’inverse, BLOMDAHL a dû faire face à une pléiade de joueurs évoluant entre 1,500 et 2,000 de moyenne à l’année comme Frédéric CAUDRON, Dick JASPERS ou Daniel SANCHEZ pour ne citer qu’eux.

Malgré la concurrence, BLOMDAHL a remporté 40 World Cups, 4 titres de Champion du Monde individuel, 9 titres mondiaux pour la Suède, 8 titres européens et 9 Coupes d’Europe.

 

A neuf ans en 1971, il se rend au Billard Club de Göteborg et le coup de foudre fut immédiat.

A dix ans, il s’installe à Helsingborg : « Mes parents ont ouvert une salle de billard avec une autre famille et c’est devenu le BK Borgen. J’ai appris tout seul au début sans avoir de facilités évidentes ou de prédispositions immédiates.

A dix-huit ans, son père lui dit : « Si tu veux devenir un bon joueur, il faudra que tu t’entraines plus et surtout avec plus d’application. »

« Ce n’était pas la première fois qu’il me disait cela mais c’est à ce moment-là que j’en ai pris conscience. »

Sa passion s’est, peu à peu, transformée en véritable profession : «  A cette époque, Raymond CEULEMANS dominait le monde du 3 Bandes et j’arrivais à le battre, de temps à autre, quand il apparaissait dans mes rêves. Ce rêve est devenu réalité, pour la première fois, au championnat d’Europe d’Amersfoort en 1985. Je l’ai battu en demi-finale et j’ai ensuite gagné le titre face à Rini VAN BRACHT. »

1994 a été ensuite une date importante pour lui puisqu’il s’est marié à Beate et ils se sont installés en Allemagne à Backnang : « Nous nous étions rencontrés à un Open allemand à Backnang en 1988 lors duquel je l’avais emporté devant CEULEMANS. Ma future femme faisait partie du public et soutenait à l’époque …. CEULEMANS. »

Deux fils sont nés de cette union : Yannick en 1996 et Henrik en 2001.

Frits Bakker a interviewé la star suédoise pour Kozoom autour d’une quinzaine de questions :

 

FB : Revenons au commencement : le petit garçon qui jouait au foot, au tennis de table et qui, à un moment, choisit le billard. Quelle était ta motivation pour t’orienter vers ce sport moins populaire et quel rôle a joué ton père ?

TB : Ma motivation était, sans aucun doute, la beauté du jeu et mon père évoquait toujours cet aspect. Dans sa jeunesse, il était multiple champion de Suède aux quilles avec une passion pour le 3 Bandes. Quand nous avons ouvert à Helsingborg, mon père a joué de façon plus assidue au 3 Bandes. Il m’a transmis sa passion et est devenu mon coach, d’une certaine manière, mais aussi mon adversaire. Nous avions l’habitude de jouer sur deux tables adjacentes car mon père était un joueur totalement différent de moi. Avec son jeu tout en finesse, il ressemblait plus à un Raimond BURGMAN avec un jeu axé sur la défense. J’ai toujours été naturellement plus porté vers l’attaque et le jeu offensif.

 

FB : As-tu, ou d’autres personnes autour de toi,  décelé un certain talent assez rapidement?

TB : Nous doutions, mon père et moi, car ma progression était lente : 0,350 la première année, 0,490 la suivante puis 0,500. Un bond à 0,650 m’a encouragé et quelques années plus tard, je faisais 1,000 au championnat de Suède. Sans aucune leçon. René VINGERHOEDT est le premier grand joueur à être venu ici pour s’occuper des jeunes Suédois mais j’étais alors plus à l’école qu’au billard. Jusqu’à ce que je gagne un titre européen, jamais mon père ne m’avait dit que j’avais un talent quelconque pour aller plus loin.

 

FB : C’était à l’époque où Raymond CEULEMANS dominait toutes les disciplines du carambole et pas uniquement le 3 Bandes. Ton parcours a été différent : à quel moment t’es-tu focalisé sur le 3 Bandes ?

TB : J’ai joué aux Quilles pendant un an puis je suis passé au 3 Bandes. Ce n’était pas vraiment un changement car j’ai toujours joué au pool, aux Quilles, au 3 Bandes et au snooker. Le jeu, sous tous ses aspects, me fascine, la Bande et le Cadre également. Récemment, j’ai même pris des cours avec Eddy LEPPENS pour améliorer mon jeu de Cadre et je fais maintenant des séries de 200. Je ne le fais pas dans le but de faire de la compétition mais parce que tout ce que peut faire une queue de billard m’intéresse.

 

FB : Quelles ont été les périodes clé de ta carrière : les premières années difficiles, quelles motivations pour revenir au Top ? Quelle aura été la meilleure période ?

TB : J’ai connu de belles années dont celles qui ont suivies ma première victoire sur CEULEMANS, celles durant lesquelles j’ai gagné beaucoup de World Cups autour de 1995, l’année 2007 également et après quelques balbutiements, cette récente reconquête de la première place mondiale. J’ai toujours été ambitieux car j’adore ce sport. Il y a toujours de la place pour des améliorations techniques car le 3 Bandes offre des possibilités illimitées. A un certain moment, ma rechute peut être expliquée par l’arrivée de nouveaux talents comme JASPERS, SAYGINER, SANG LEE, SANCHEZ, CAUDRON et d’autres. Je ne pouvais plus dominer comme je l’avais fait avant. Plus la compétition est ouverte, plus il y a de la pression et de la tension. C’est pour cette raison que je peux être très nerveux durant un match. Je pense parfois, lors d’un match serré, que je suis plus nerveux que mon adversaire. Je ne suis pas comme JASPERS qui semble imperturbable. Quand je dominais toujours la discipline, ce n’était pas différent mais je pouvais compenser cette nervosité par des qualités techniques supérieures à celles de mes adversaires. Plus maintenant. Peut-être ai-je hérité cela de mon père qui ne peut pas regarder un match sur Kozoom quand je joue. Il demande à ma mère de lui donner le résultat final et ensuite seulement, il regarde la vidéo.

 

FB : Après avoir expérimenté toutes les disciplines du billard, penses-tu que le 3 Bandes soit le plus beau jeu ?

TB : J’en ai fait mon métier, je l’aime et je suis bon à ce jeu. Mais il y a toujours à apprendre. J’aime jouer à tout mais le 3 Bandes reste mon jeu préféré.

 

FB : Pour ceux qui ne connaitraient pas ton style de jeu, ton style de vie et ta personne tout simplement, comment te décrirais-tu au regard de : la technique, la tactique, l’ambition, la vitesse, la concentration, l’esprit sportif, le style de vie et le mental ?

TB :

Technique : J’essaye de jouer simple, d’éviter les grosses erreurs. Fondamentalement, je n’ai qu’une technique, mettre la queue en arrière et frapper le coup en avant. Marco ZANETTI a une vingtaine de coups de queue différents : accéléré, décéléré, long, court, à droite, à gauche, il a un arsenal impressionnant. Je n’en ai qu’un comme Dani SANCHEZ et Frédéric CAUDRON : reculer la queue, attendre et pousser droit. CAUDRON disait : « La bille n’a pas de mémoire, elle ne sait pas ce que vous faites avant de la frapper.» Il a raison.

Tactique : Très importante pour moi mais plus dans la construction d’une série que dans la défense elle-même. Replacer les billes de telle sorte que le point suivant soit plus facile. Parfois, vous jouez plus fort pour pousser la bille hors d’une zone spécifique. Ce feeling ne vient qu’après des années de pratique et d’expérience. Certains points demandent plus de vitesse pour parvenir à une position favorable derrière.

Ambition : J’ai toujours voulu gagner quelque soit le match ou la compétition. C’est dû à mon amour pour ce jeu et à ma capacité à ne jamais baisser les bras. On peut appeler cela de l’ambition. Parfois, ce n’est pas tant mon adversaire que je veux battre mais le jeu de 3 Bandes lui-même. Parfois, rien ne va comme au dernier championnat du Monde de Porto. Tu ne comprends pas la table, les billes ne roulent pas favorablement, les nerfs à fleur de peau, tout va mal. Alors, je me dis : ce n’est pas moi qui joue ainsi et je parviens donc à rectifier le tir assez rapidement.

Vitesse : Mon style est de jouer rapidement mais il m’arrive aussi d’avoir besoin de temps pour un point difficile ou important pour poursuivre la série. Parfois, vous avez besoin d’innover dans une partie et cela peut devenir délicat avec seulement 40 secondes. Voilà qui je suis, je joue parfois un tournoi entier sans prendre de dépassements de temps. Stupide probablement. La pression du temps ne perturbe pas mon analyse. Il peut y avoir tellement de différences entre 20 cms de trop ou 10 cms de moins. La position obtenue peut être parfaite ou injouable.

Concentration : Le fait de bien jouer amène une bonne concentration. Quand je joue mal, ma concentration peut parfois disparaître.

Esprit sportif : Je le considère comme faisant partie de la beauté de notre sport. Le respect entre nous. Au foot, on peut marquer de la main. Au billard, on va à sa chaise, on corrige l’arbitre qui se serait trompé en validant un point incorrect. Parfois, certains se plaignent du comportement de leur adversaire à la chaise, des gestes … mais c’est plutôt de la nervosité et pas quelque chose de délibéré. Ceux qui disent cela bougent également. Si vous regardez un match, tout bouge, on joue parfois sur 4 tables en même temps, il y a du mouvement partout, personne n’est immobile. Certains bougent plus que d’autres. Dani SANCHEZ, par exemple, est comme un ange sur sa chaise.

Style de vie : J’adore voyager. La musique, les films et les livres sont également importants dans ma vie. Quand je suis chez moi, je profite de ma famille. Barbecue au jardin. Une balade en vélo ou tout simplement s’assoir et discuter. J’aime aussi la marche, le tennis de table et regarder du sport à la télé.

Mental : J’aimerais être plus fort dans ce domaine. Parfois, la peur s’installe et je n’arrive plus à jouer comme je le devrais. Les fins de match peuvent être épuisantes. J’envie les joueurs aux nerfs d’acier.

 

FB : Quels sont les joueurs qui excellent dans : 1) technique, 2) ambition, 3) concentration/mental, 4) esprit sportif, 5) plan de jeu ?

TB :

1) Dick JASPERS, Frédéric CAUDRON, Tayfun TASDEMIR, Dani SANCHEZ, Eddy MERCKX.

2) Frédéric CAUDRON, Dick JASPERS, Jérémy BURY.

3) Sung-Won CHOÏ, Eddy MERCKX, Dick JASPERS, Martin HORN.

4) Kyung-Roul KIM, Martin HORN.

5) Frédéric CAUDRON, Marco ZANETTI, Martin HORN.

 

FB : Quels sont les 5 plus grands moments de ta carrière ?

TB :

1) Ma victoire en 1981 aux championnats scandinaves, mon premier titre. Les Danois avec Peter et Kurt THÖGERSEN et Hans LAURSEN étaient plus forts que nous. La Suède n’avait juste que moi et mon père mais j’ai gagné la finale.

2) Ma première victoire face à Raymond CEULEMANS, l’icône de notre sport, en 1985.

3) La victoire finale contre Rini VAN BRACHT le même week-end au championnat d’Europe en 1985.

4) Ma première victoire en 1988 au classement général de la Coupe du Monde.

5) Ma dixième victoire au classement général de la Coupe du Monde cette année.

 

FB : Qu’est-ce qui compte le plus : être Champion du Monde ou gagner le classement général de la Coupe du Monde ?

TB : Aucun doute, gagner la Coupe du Monde.

 

FB : Comment s’est développé le 3 Bandes, disons, ces dix dernières années ? Quelles innovations t’ont étonné ou surpris. Que peuvent attendre les spectateurs et les aficionados ? Cela peut-il devenir encore plus beau, encore meilleur ? Les moyennes vont-elles continuer à grimper ?

TB : Les moyennes ne vont plus beaucoup augmenter car les matchs sont aujourd’hui très disputés. Les joueurs ont un niveau assez comparable. La qualité évoluera et plus particulièrement les replacements et les positions de jeu. Les grosses séries sont plus fréquentes. Ca ne me surprend pas car je suis au milieu de tout ça et j’ai en partie contribué à cet essor.

 

FB : Quelle a été ta réaction au match d’Eddy Merckx : 50 points en 6 reprises. Pendant longtemps, les meilleurs joueurs n’y auraient jamais cru.

TB : J’ai dit spontanément : ça y est, ça c’est fait, reste le record de la série maintenant. Les 50 points en 5 reprises ne se produiront pas durant ma vie de joueur, ce serait utopique que d’y croire. Ca ne m’a pas surpris que ce soit Eddy MERCKX qui le fasse. Il peut jouer avec une précision remarquable et avec un feeling parfait suivant la table. Je pense qu’il peut jouer à 6 de moyenne sur une petite table, sa position est tellement bonne. Et il ne rate jamais facile.

 

FB : Qu’as-tu ressenti après ton retour au sommet : était-ce une libération, une confirmation de ton talent ?

TB : Je dois admettre que j’avais des doutes. Maintenant que je suis redevenu numéro 1, je peux juste dire que j’ai retrouvé mon niveau d’avant. Peut-être même plus maintenant que je joue avec ma nouvelle Molinari qui convient parfaitement à mon type de jeu.

 

FB : Quelle est ton opinion sur les derniers changements : 40, 50 pts, système des sets, reprise égalisatrice.

TB : Je ne peux pas dire ce qui est mieux. Une chose ne l’est sûrement pas : les matchs par équipes en 30 ou 40 points sans reprise égalisatrice. Ca élimine le 5/3 et ce n’est pas bon. Pas de reprise égalisatrice en compétition individuelle et en KO direct, c’est parfait. Je comprends qu’on ne puisse plus jouer les tournois par sets même si c’était mieux pour nous (3 chances de gagner). Mais les organisateurs doivent avoir un programme horaire plus précis. Caudron termine en 45 minutes alors que d’autres mettent 3h30 pour finir un match.

 

FB : On entend souvent parler de futur apocalyptique pour le billard. Quel est ton avis ?

TB : Je suis optimiste, le billard sera toujours présent car c’est un jeu fantastique. C’est toujours extrêmement populaire en Corée, au Vietnam, au Mexique, en Colombie, aux Pays-Bas, en Belgique et en Turquie. Donc il ne faut pas désespérer.

 

FB : Pour conclure : aurais-tu pu imaginer une vie plus belle que celle que tu as aujourd’hui : joueur professionnel, belle famille, palmarès exceptionnel et la réputation de meilleur joueur du Monde durant des années après le règne de Raymond CEULEMANS ?

TB : J’ai un métier formidable, j’adore ma vie de famille et j’ai toujours des succès sportifs. Ca ne pourrait être mieux.

 

 

Les plus gros succès de Torbjörn BLOMDAHL :

- Champion du Monde :

1987 : WK au Caire

1988 : 1er BWA ranking Coupe du Monde

1991 : 1er BWA ranking Coupe du Monde

1997 : WK à Grubbenvorst

- WK biathlon :

1987 : Epinal

- WK team :

1987/1990 with Lennart BLOMDAHL à Madrid et Viersen

2000/2001/2005/2006/2007/2008/2009 avec Michaël NILSSON à Viersen

- Classement général Coupe du monde :

1988/1991/1992/1994/1995/1996/1998/2001/2007/2011

- Joueur de l’année :

2001/2007

- Supercup :

2002/2003

- Championnat d’Europe :

1985 : Amersfoort

1986 : Mondorf les Bains

1988 : Vejle

1990 : Norrköping

1991 : Dordrecht

1998 : Aubagne

2001 : Odense

2005 : Porto

- EC teams :

1985/1991 avec Lennart

- Coupe d’Europe :

1984/1985/1989/1990 avec le BK Borgen

1998, 1999, 2000 avec Pelgrim Profs

2002 avec Van Wanrooij

- 40 victoires en World Cups

- 23 titres nationaux en Suède

 

 

 

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