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Assieds-toi et tais-toi

01/11/2019

Publié par jérémie picart

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© © Kozoom

La différence entre un match de classe mondiale à 2,500 et une médiocre performance à 1,000 de moyenne est plus petite que l’on pense. Un joueur en grande forme ne fait pas toujours 2,500, un joueur perdant 40 à 22 en 22 reprises n’enchaine pas toujours les erreurs grossières. Tout est question de détails et une poignée d’entre eux peuvent faire basculer un match. La science qui traite ce phénomène est désormais identifiée sous l’appellation « Cenetologie ».

 

Suis-je désolé pour Lütfi ? Absolument. Durant six reprises à Veghel, les trois premières face à Jaspers et les trois premières face à Haeng-Jik Kim, il a joué le meilleur 3 Bandes de sa carrière. Mais je tire aussi mon chapeau et salue HJK qui a fait preuve d’une résistance surhumaine pour gagner Veghel. Son rendement mental a surclassé son jeu à mon avis.

 

Détails : le coup qui passe dans le couloir représente bien plus qu’un seul point au niveau comptable. Vous auriez pu en faire deux ou trois autres. Vous auriez pu conclure votre série sur un  bon coup défensif. Cela aurait pu forcer une erreur adverse et cela vous aurait permis de rééditer une autre série. Un raté de quelques millimètres engendre-t-il une balance de 10 points ? Ce n’est pas spectaculaire ou rare; Cela arrive sur presque tous les matchs d’une World Cup. Deux événements de ce type pour chaque joueur et vous obtenez un match serré. Trois en votre faveur et aucun pour votre adversaire et vous gagnez facilement. Pour gagner un match en tournoi, vous devez faire attention aux détails et avoir un peu de chance.

 

Pourquoi la World Cup de veghel a-t-elle connu un tel succès ? Parce que les organisateurs ont bien appréhendé tous les détails et parce qu’ils ont eu un peu de chance. Un joueur néerlandais qui passe quelques tours qualificatifs à l’arrachée, ça aide. Un Champion du monde réalisant une série de 24 et égale le record du monde de la série en World Cup, c’est bon pour la compétition. Et, si l’on revient un an en arrière, trouver un grand sponsor qui possède un espace unique pouvant être transformé en un lieu de compétition : voilà la chance qui récompense un énorme travail pour que quelque chose se concrétise.

 

Nous avons beaucoup appris des événements liés au billard ces dix dernières années. Nous sommes en train de rattraper le temps perdu et de tenir compte des demandes des spectateurs. On ne peut plus faire payer les gens juste pour une place assise en s’attendant à ce qu’ils restent assis en silence pendant quatre heures. Ils veulent passer une journée agrémentée d’animations, de nourriture et de boissons. Veghel a réussi cela au sein d’un cadre exemplaire. De plus, les journées de silence solennel font partie du passé. L’enthousiasme est bien accueilli, les applaudissements et acclamations sont bien plus expressifs que les claquements de doigts. Cela dérange-t-il les joueurs ? Je suis prêt à parier que 8 joueurs sur 10 préfèrent cette situation moderne à l’ancienne.

 

Il y a tant de choses qu’il faut bien faire pour qu’un événement de ce type fonctionne. L’hospitalité est cruciale, vous voulez que les fans et les sponsors en général se sentent à l’aise et apprécient l’instant. Donnez aux hommes et aux femmes d’affaire une VIP Box pour qu’ils se sentent considérés. Et s’ils co-financent votre tournoi, ils se sentiront importants ! Assurez-vous que les joueurs occupent les lieux avant et après les matchs pendant un certain temps. Dans le hall ou au bar, au restaurant, peu importe : « Nous avons pris des photos avec Jae-Ho Cho et Jung-Han Heo et nous avons discuté avec Tayfun Tasdemir. » Pour beaucoup de fans, c’est le clou de leur moments passés sur une World Cup.

 

La musique, voilà un autre aspect à maîtriser parfaitement. Grosse erreur à Blankenberge 2018 et 2019, organisations excellentes sur tous les autres points. On ne veut pas d’une musique que 50% aiment et 50% détestent. Mieux vaut une musique qui ne déplaît pas à 95% des gens et que la plupart ne remarquent pas. Que le volume soit suffisamment fort pour ne pas entendre les enfants et leurs sacs de chips ou la toux dans la foule mais également pas trop forte de sorte qu’elle n’exige pas toute votre attention.

 

Ce qui a le plus évolué ces dix dernières années ? Notre produit est bien meilleur.

 

Avec l’aide des Asiatiques, nous avons réinventé notre sport et nos tournois sont devenus bien plus excitants car ils sont totalement imprévisibles. Un Vietnamien presque inconnu qui accède au dernier carré, un jeune Espagnol qui l’accompagne, quatre Champions du monde battus en quart de finale. Je ne dis pas que ce serait mieux que Dick Jaspers ne gagne plus jamais. Mais ce nouvel ordre mondial, ou du moins trente joueurs capables de gagner un tournoi majeur, est une aubaine.

 

Le géant du câble, Ziggo, a tenté sa chance et inscrit la World Cup de Veghel, à son programme sur sa chaine sportive payante durant trois jours. Deux des commentaires entendus des producteurs de Ziggo dans le studio : « C’est beaucoup plus excitant que nous le pensions. ».« De belles images (fournies par Kozoom) et nous aimons ce mélange d’intellect et d’émotionnel dans le jeu même. » (Oui, des gars intelligents travaillent chez Ziggo).

 

Le monde du billard traverse une période difficile en ce moment mais nous n’avons jamais eu meilleurs programmes à diffuser. Si Kozoom réalisait un best-off contenant uniquement les périodes d’applaudissements spontanés, cela durerait plus longtemps qu’un film de James Cameron.

 

Alors doit-on en conclure que tout baigne ? Peut-on se détendre et profiter des World Cups qui ont atteint un niveau irréprochable ? Mon Dieu non. Par ordre d’importance : a) S’il vous plaît, travaillons des deux côtés pour mettre un terme à cette terrible séparation des joueurs sur deux circuits différents, b) Corriger ce système injuste qui attribue le même nombre de points au championnat continental de l’ACC qu’à ceux de la CEB, de l’ACBC et de la CPB, c) Apporter de la transparence dans la sélection des wild cards en World Cup. La plupart des fans dans le monde ne s’intéressent pas à la politique dans le billard mais ils ont du flair pour déceler ce qui est juste et ce qui ne l’est pas.

 

(Traduction de l'article en langue anglaise de Bert van Manen)

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