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Générale

Karim Belhaj, PDG de Predator

14/11/2020

Publié par jérémie picart

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© © Jean-Philippe Parmentier
Karim Belhaj (44 ans), modèle de réussite française aux Etats-Unis

A l’occasion de la venue de Karim Belhaj à Andernos il y a quelques semaines dans les nouveaux locaux de Kozoom, nous avons pu assister en privé aux séances de travail des plus grands champions d’Américain et de Carambole. Deux billards SAM (Espagne) ont été montés dans le studio d’enregistrement, un pour chaque discipline. Jérémy Bury et Dani Sanchez ont joué l’épreuve de OneCarom dans le show-room malgré la demande de l’Espagnol auprès de l’UMB de changer de date avec un autre groupe afin de pouvoir jouer depuis chez lui.

 

    

 

                             Dani Sanchez, Karim Belhaj et Jérémy Bury : petit aperçu de la collection 2021


 

Nous avons pu découvrir l’équipe du groupe Predator (Poison, Uni-Loc) et son PDG Karim Belhaj (44 ans), modèle de réussite française aux Etats-Unis. Aux côtés de son épouse française Pauline et de ses deux filles Leena (7 ans) et Jenna (5 ans), inspiré par sa mère et sa grand-mère depuis la plus tendre enfance, les femmes ont toujours joué un rôle majeur dans la sphère de l’entrepreneur français.  Véritable globe-trotter, il est aujourd’hui domicilié à Porto-Rico. Son entreprise Predator se situe, quant à elle, à Jacksonville en Floride.

 

    

 

                                                                      Karim et sa femme Pauline


 

Ses produits font une entrée remarquée sur le marché du Carambole avec l’adhésion d’immenses stars du 3 Bandes mondial. Pour Kozoom, il a gentiment accepté de consacrer quelques heures à cette interview (merci à JP Parmentier pour les photos) :

 

Jérémie Picart/Kozoom : Bonjour Karim Belhaj, vous êtes le PDG du groupe Predator, leader dans la fabrication de queues de billard à l’Américain. L’introduction de vos produits sur le marché du billard Carambole est récente et fulgurante. La réussite d’un Français outre-atlantique interpelle, racontez-nous votre parcours jusqu’à l’arrivée au sein de cette entreprise.

 

Karim Belhaj : Je suis né à Paris, j’y ai grandi et j’ai découvert le billard assez tard finalement. L’arrivée chez Predator se concrétise selon moi sur deux points : le goût de l’aventure et de l’entreprenariat d’une part et la passion du billard de l’autre. Mes parents étaient commerçants sur les marchés de Clignancourt au début puis au Forum des Halles ensuite dans le secteur de l’habillement, ma maman Sonia créait ses propres lignes et avait beaucoup de succès, j’avais alors une dizaine d’années. Elle m’a appris à ne jamais me plaindre, que nous avions de la chance et que chacun ne doit son destin qu’à soi-même. C’est à cet instant que j’ai compris qu’il fallait être opportuniste dans le bon sens du terme. J’avais confiance en moi, j’étais ambitieux, je sentais que j’étais différent des adolescents de mon âge. Ma première connexion avec le billard se passe au Cap d’Agde et à la Grande Motte où mes parents avaient aussi des magasins. C’est donc dans le sud de la France que je donne mes premiers coups de queue au 8 Pool dans un café en 1986, j’ai alors 10 ans. Puis on déménage de Franconville à Champigny-sur-Marne 4 ans plus tard et je poursuis ma scolarité au lycée à Saint-Maur. A 18 ans, je travaille chez Ikea pour une première expérience professionnelle et j’adore ça, le business, le modèle et le design suédois. A 18 ans avec le bac en poche, j’éprouve le besoin de partir à l’étranger et plus particulièrement aux Etats-Unis, j’avais besoin d’un défi. Je m’envole pour San Francisco dans le cadre d’un programme d’aide à l’obtention d’un visa pour aller travailler et je pensais avoir un job là-bas dès mon arrivée, il s’est avéré que non et c’est sur place qu’on me l’annonce. Avec de quoi tenir financièrement une dizaine de jours seulement, il fallait faire vite. Je parviens à convaincre un responsable de SideStep (vente de sneakers) de me prendre après un essai de trois heures. Super expérience et première vraie rencontre avec la culture américaine. Malgré une offre en CDI, je décide de poursuivre mes études en France. Je passe de la Fac de Sciences économiques à un BTS en Commerce International. Là je fais plutôt du « Shoot Again » (Salle de billard à Champigny-sur-Marne) option BTS, je deviens passionné de billard entouré à l’époque de Laetitia Dos Santos, Alex Zenati, Christophe Biche… et développant de nouvelles amitiés avec des personnalités avec Jean-Philippe Parmentier et Stephane Cohen. Peu de temps après, je rencontre Carol Farinaud qui ramenait des queues de billard Predator des Etats-Unis, je l’aidais à les vendre, ça m’aidait financièrement et je voulais absolument bosser pour cette start-up, Predator. Carol Farinaud parle de moi aux créateurs de la marque, la ville de Champigny me donne un coup de pouce et me voilà reparti vers mon rêve américain dans le cadre du stage de BTS.

 

JP/Kozoom : Comment passez-vous ensuite du statut de stagiaire à celui de patron de Predator ? Pour quelles raisons les fondateurs de la marque vous laissent prendre les rênes de leur création ?

 

KB : La veille de mon arrivée chez Predator, on arrive en Floride où je rencontre Steve Mizerak, la légende du billard américain. Là, je me dis que les étoiles sont alignées… Le 1er avril 1997, j’arrive chez Predator, je fais la connaissance du fondateur Allan McCarty (avec Steve Titus son partenaire inventeur), je lui expose mes idées pendant quelques heures et je m’attache au marketing et au développement des ventes au niveau national et à l’étranger. Nous sommes 6 ou 7 dans la société. L’entreprise fait alors 2% de son chiffre d’affaires à l’étranger. Aujourd’hui, on est à 50%. Je retourne en France pour finaliser mon BTS avec une présentation de Predator très appréciée par le jury puis je retourne chez eux à Jacksonville en tant que chargé de marketing et étudiant management/marketing à l’University of North Florida. Un jour, je découvre de gros problèmes de comptabilité en recevant par hasard un appel téléphonique de la banque qui m’annonce 4 mois d’arriérés. Après avoir résolu le problème de la compta, on me nomme manager général et l’on opère une restructuration complète. Je rencontre pour la première fois Paul Costain (Uni-Loc) qui deviendra par la suite responsable de la production. En 1999/2000, je gère déjà l’entreprise mais pas encore la direction. Paul investit dans la boîte à hauteur de 10% et réorganise la production. Pour assurer le développement, je fais appel à un ami de Fac, Philippe Singer, qui accepte ma proposition et on commence à redresser l’entreprise. On passe de 7 employés à mon arrivée à 45 aujourd’hui. Petite anecdote, en 2001 alors que j’ai des envies de créer ma propre start up (hors billard), Allan McCarty me propose plutôt de prendre des parts dans Predator chaque année en plus d’un salaire mensuel modeste et je commence avec 10% puis 25%. Ensuite nous avons avec Allan quelques différends sur la direction que prend l’entreprise, il trouve le design trop agressif à son goût. Je lui répond que je peux simplifier mais que la suite se fera, dans ce cas, sans moi… Il décide de partir à la retraite et revend ses parts tout en restant disponible si besoin, on se quitte en bons termes. Puis il y a quelques années, j’ai 49%, Paul en a 51 et en 2018, Paul prend sa retraite et je rachète ses parts. Ce qui me plait dans ce parcours, c’est vraiment d’avoir participé au développement du groupe Predator et d’avoir bossé aux côtés de Paul qui est mon mentor en production et en recherche/développement. Il travaille d’ailleurs toujours à nos côtés… même après l’une de ses plus importantes contributions au billard, notre flèche en carbone : la REVO(lution).

 

    

 

                                                    Une partie de l'équipe de Predator à Jacksonville


 

JP/Kozoom : L’utilisation du carbone dans vos produits est-elle le déclencheur de l’essor de la marque ?

 

KB : En 1999, on était les seuls à posséder un robot reproduisant le mouvement d’une queue de billard, ce robot était l’Iron Willie. A cette époque, on avait testé les flèches en carbone mais le résultat était catastrophique, c’était de la canne à pêche avec un procédé au bout en quelque sorte. En 2004/2005, on travaille avec un fabricant de club de golf sur les tubes de carbone. On s’améliore mais le son est toujours aussi désagréable. Là, on se rend compte que l’on peut modifier le son avec des mousses sous différents états à l’intérieur de la flèche, on bosse avec Porsche Engineering qui reproduit le choc d’une flèche au contact d’une bille (avec une “Finite Element Analysis”). Au terme de ces expériences, on conclut qu’une flèche au billard a parfois des contraintes plus compliquées que dans d’autres sports sans entrer dans les détails, nous serions plus proches des contraintes qui s’appliquent au golf ou au tennis. Nos concurrents ne prennent pas en compte ces aspects techniques aussi intensément que nous le faisons. Donc en 2004/2005, on repousse encore ce projet du carbone. Suit la crise de 2008 et je crée une division à Hong-Kong en 2011. J’entends encore des gens aujourd’hui dire que le mieux, c’est une queue (fût+flèche) entièrement en carbone, je peux vous dire qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent. Donc pour répondre à la question initiale, on a connu un premier essor en 2003/2004 puis un deuxième essor avec la production des flèches en carbone en 2016/2017 mais nous étions déjà leader du marché avant le carbone. Il y a 6 ans, on était 100% bois, il y a 4 ans, 5% carbone et aujourd’hui on est à 70 à 80% carbone. Une étude comme celle du carbone demande des années de développement et près de 20.000 heures de travaux. Paul a par exemple utilisé des centaines de mousses différentes et quand il a finalisé son produit, je l’ai essayé, c’était magique ! Puis je me suis rendu aux Philippines et j’ai réalisé que, dans ces pays-là, la flèche ne glissait pas du tout entre mes doigts… Evidemment nous avions l’habitude de jouer constamment dans des salles climatisées ! Il s’en suit 9 mois de retard pour résoudre ce problème de taille, beaucoup d’investissements financiers, on a détruit plus de 15.000 flèches parce qu’on ne s’est pas rendu compte que 80% de nos utilisateurs ne jouent pas dans des salles climatisées comme nous… parmi d’autres challenges techniques.

 

JP/Kozoom : Quelle est la proportion de joueurs de haut niveau sponsorisé par Predator à l’Américain et au Carambole et qui sont vos principaux ambassadeurs aujourd’hui au Carambole ?

 

KB : Le Carambole est un défi totalement personnel qui me vient de mes origines françaises et donc de mon attachement au Carambole. Aujourd’hui, nous avons sous contrat les plus grands noms de l’Américain et l’aventure au Carambole commence avec Jérémy Bury. Après un test concluant avec la flèche REVO 3C-U, c’est-à-dire Ultra Low Deflection (pratiquement pas de déflexion), Jérémy Bury quitte Longoni pour venir chez nous. Ensuite, c’est un enchainement avec Dani Sanchez qui utilise l’autre modèle de flèche, la 3C-S (Standard) qui s’adapte peut-être mieux au passage des flèches de Carambole standard aux flèches REVO ou plutôt qui n’offre pas un changement radical mais plus en douceur. Mais ce n’est pas toujours le même choix parmi les champions de Carambole. Tayfun Tasdemir et Semih Sayginer, par exemple, ont fait le même choix que Jérémy Bury à savoir la 3C-U. On a également Sameh Sidhom (3C-S), Nguyen Quoc Nguyen, Hugo Patino, Gökhan Salman sous contrat Predator et nous avons également tout ceux qui utilisent nos « anciennes » fabrications chez Molinari comme le Suédois Torbjörn Blomdahl, le Grec Nikos Polychronopoulos, les Coréens Sung-won Choi et Jung-han Heo… A l’Américain, 70% des meilleurs mondiaux utilisent nos produits. Notre queue de casse est la queue la plus vendue au monde !

 

    

 

                 A.Kazakis, K.Tkach, D.Sanchez, J.Bury, A.Montpellier, F.Sanchez-Ruiz, E.Kaçi de g. à droite


 

JP/Kozoom : Avec de tels noms, nul doute que votre arrivée sur le marché du 3 Bandes risque de faire du bruit. La technologie et le design de vos produits sont uniques, rien n’est laissé au hasard chez Predator ?

 

KB : Rien n’est laissé au hasard, la qualité est notre quête ultime tout comme la satisfaction du client. Notre approche du sport-billard est similaire à celle de McLaren en Formule 1 ou à celle de la Nasa pour sa conquête de l’espace… Nous concevons chaque détail avec une « people-centric approach » (approche centrée sur les personnes) en gardant toujours à l’esprit la « victoire ». « Innovation & Inspiration », nous pensons vraiment que le développement et la technologie pointue de notre matériel inspirera les joueurs (amateurs et professionnels) et améliorera la qualité de leur jeu. Nous étudions même les habitudes des joueurs en dehors du billard pour mieux comprendre "Comment mieux concevoir pour chaque style de joueur"... nous étudions les tendances de la mode, du design, des habitudes... un peu comme Apple le fait en mariant fonction et design tout en restant centré sur les gens. Notre ambition est de gagner la confiance de tous les joueurs envers nos produits et d'être avec eux dans leur voyage pour célébrer leur victoire personnelle !

 

JP/Kozoom : Pouvez-vous nous expliquer les différences entre vos deux flèches carbone, la REVO 3C-S (Standard) et la REVO 3C-U (Ultra Low) ?

 

KB : Je pensais réellement, au départ, que les joueurs de Carambole se tourneraient vers la 3C-S qui offre un passage en douceur à un jeu comprenant moins de compensation due à la déflexion et j’ai même encouragé certains grands champions à commencer avec la 3C-S. Le passage à la 3C-U est bien plus radical puisqu’il n’y a pratiquement plus de compensation liée à la déflexion. On touche là où l’on vise… Mais c’était sans compter sur l’adaptabilité des champions de carambole qui, pour la plupart maintenant, choisissent la 3C-U.

 

JP/Kozoom : Vous avez passé la semaine sur Andernos avec une partie de votre équipe, pourquoi avoir choisi de venir ici chez Kozoom pour travailler ?

 

KB : Nous devons être en mesure de proposer du contenu et cela passe par de l’évènementiel, par la communication. Xavier Carrer, avec qui je suis ami de longue date, m’a proposé de venir dans ses nouveaux locaux où se situe son studio d’enregistrement. L’idée m’a plu et j’ai tenté de réunir cinq de nos meilleurs joueurs à l’Américain et au Carambole. Avec la crise sanitaire, Semih, Tayfun et Sameh ont décliné l’invitation et nous avons réuni Dani et Jérémy au Carambole pour jouer des matchs et pour leur présenter l’intégralité de nos nouvelles collections 2021 mais aussi pour essayer de trouver des formules de jeu dont une mixant Américain et Carambole en vue notamment de la prochaine World Cup de Las Vegas (mars 2021). Vous aurez l’occasion prochainement de découvrir nos images sur Kozoom, spectacle garanti notamment sur la rencontre France-Espagne.

 

    

 

           J.Bury, K.Tkach, E.Kaçi, F.Sanchez-Ruiz, K.Belhaj, A.Kazakis, A.Montpellier, D.Sanchez de g. à droite


 

JP/Kozoom : Merci Karim d’avoir accepté de répondre à ces quelques questions dans le but de mieux vous connaitre et de mieux connaitre vos produits. Félicitations pour avoir donné vie à ces queues de billard qui nous font rêver et qui sont de véritables oeuvres d’art. Vous renvoyez l’image d’un homme accompli et épanoui tant professionnellement que dans votre vie privée. Alors Karim, 44 ans serait-il le Belhaj ?


KB : Haha… avec une merveilleuse famille à la maison, avec deux jeunes joueuses de billard (7 et 5 ans) et une famille Predator partout dans le monde en plein essor à  l’Américain et au Carambole… you may be right!

 

    

 

                                         Deux futures championnes : Leena à gauche et Jenna à droite


 

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