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Pourquoi le record du monde n'a pas été battu ?

02/06/2016

Publié par jérémie picart

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© Kozoom

Dick Jaspers vient de jouer un match extraordinaire mercredi dernier en Grand Prix des Pays-Bas. Les 40 points en 7 reprises qu’il a réalisés en font la cinquième meilleure rencontre de tous les temps (à égalité) sur une distance de 40 points.

Mais le record du monde sur cette distance reste de 40 points en 6 reprises, propriété de Frédéric Caudron (à deux reprises), de Marco Zanetti et de Haeng-Jik Kim. Jaspers lui, partage cette performance avec Murat Naci Coklu, Dong Koong Kang, Kim Jae Guen, Eddy Merckx et Marco Zanetti.

Alors était-ce réellement un match spécial ? Ou plutôt pourquoi cette partie mérite-t-elle autant d’attention ?

Pour la simple raison qu’à un centimètre près, cela aurait pu faire 40 en 4.

Oui, un centimètre qui fait la différence entre un match en 7 ou en 4 reprises ce qui aurait constitué un record si difficile à battre et qui aurait pu tenir quelques dizaines d’années.

Regardons la feuille de match de Jaspers, cela nous éclairera plus. Il gagne le tirage à la bande contre son adversaire Wiljan van den Heuvel puis débute le match par une série de 7. Puis 13 à la 2ème reprise puis 12 puis 5. On en est à 37 points en 4 reprises et il ne reste plus que 3 points à faire pour signer une moyenne particulière à 10. J’ai manqué la première reprise du match mais j’ai eu la chance d’entrer dans la salle à la 2ème reprise pour assister au reste de la partie.

Jaspers n’a pas eu de coups chanceux ou de parcours particulièrement heureux. Il a juste joué au 3 Bandes avec une qualité surhumaine où les mathématiques se conjuguent avec l’instinct et où la délicatesse va de pair avec la puissance : l’alchimie du billard.

Quand Caudron joue ses 7 meilleures reprises d’affilée au Juanjo Trilles Challenge en 2012 en marquant 51 points, j’appelais ça du Mozart : de la créativité sans effort. Dans le cas de Dick, je pense ne pas avoir le choix que de l’appeler Bach : structure, évidence. J’ai rarement assisté à une meilleure demi-heure de jeu de positions et de résolution de problèmes ou de bille blanche frappée avec autant d’autorité.

Voici la situation après la série de 5 à la 4ème reprise où l’arbitre annonce "pour trois" :

                                       

Ce n’aurait pas été un problème pour Dick si cette blanche n’avait été collée à la bande. Mais maintenant qu’elle y est, vous êtes entre le marteau et l’enclume.

Si vous jouez avec la queue horizontale, vous n’avez pas droit à la moindre marge d’erreur (sur tapis neuf). Un demi-millimètre trop gros et votre bille glissera et fera une courbe vers la droite et vous serez trop long. Un demi-millimètre trop fin et vous éviterez la courbe mais vous serez trop court.

Votre instinct vous poussera à lever le talon ce qui vous permettra de prendre plus de bille tout en gardant une ligne naturelle pour la diriger vers le coin opposé. Mais vous allez vous heurter alors à deux contres possibles ! La bille numéro 2 doublera la grande bande et se dirigera vers le coin de la bille d’arrivée (GGP) ou alors elle se retrouvera sur la trajectoire de la bille blanche (GGPG).

Dick n’est pas un grand fan de "Au petit bonheur la chance" alors il n’a pas levé le talon au risque de se prendre un contre. Au lieu de ça, il a tenté le coup horizontal avec un effort de jauger parfaitement la courbe induite sur sa bille. Il a manqué court d’un centimètre.

L’autre moment crucial du match (record toujours possible) est le raté de la 5ème reprise où il joue "pour deux". Voici la position des billes :

                                        

Tout semble très inconfortable sur cette position. Et bien sûr, c’est parce que la bille blanche est collée à la petite bande. Le premier choix de Dick est de jouer 4 Bandes sur le côté droit de la rouge (GPGP). Il se met en position pour le coup mais c’est juste trop compliqué. La deuxième option est de lever le talon et de jouer 3 Bandes sur le côté droit de la jaune (GPG) avec maximum d’effet. Il abandonne là aussi cette idée et, réalisant l’énormité du coup, demande son troisième et dernier time-out.

Finalement, quand il est convaincu que les deux premières options n’offrent pas un pourcentage suffisant de réussite, il se décide pour le coup nécessitant une finesse de bille parfaite sur le côté droit de la rouge pour jouer le coup long (PGP). Il rate de plusieurs centimètres.

Les cinq dernières minutes du match sont presque tristes. Trois séries de 1 pour faire ce 40 en 7. Il obtient le tonnerre d’applaudissements qu’il mérite mais le public savait que "ça aurait pu être historique". Eh oui, si on avait eu un 40 en 4, chacun de nous aurait pu raconter l’histoire pendant les 20 prochaines années.

Ce centimètre. Telle est l’essence du billard.

 

(Traduit de l'article en langue anglaise de Bert van Manen)

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